Chapitre 05      



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Seuls les idiots croient la chance








Chapitre 05: Acharnement

image décorative en début de chapitre - photo d'une jeune femme de profil, regardant par la fenêtre

« Il en est ainsi depuis la nuit des temps, les promesses n'engagent que les imbéciles. » -Calixthe Beyala




10:35

Douleur. Son sang remontait à ses tempes, il affluait à une telle vitesse que sa circulation en devenait douloureuse et sa concentration diminuait, faiblissait. Les pulsations de son coeur semblaient taper contre ses muscles avec une puissante force, inhabituelle. Sa température corporelle augmenta rapidement à cause de son rythme cardiaque. Angoisse. Marie ferma les yeux, tentant en vain de calmer cette douleur qui lui brûlait la peau. Elle s'embrasait entièrement. Elle ne voulait pas céder sous cette pression et son angoisse croissante. Un étau de fer lui enserrait le bas du cou et remontait lentement le long de sa gorge nacrée, tendue se rapprochant dangereusement de sa gorge. Tremblement. La jeune femme poussa la table en voulant y prendre appuie, se dégager de l'emprise invisible. Sa main droite se posa sur sa poitrine, tentative vaine pour calmer le feu qui la brûlait de l'intérieur, à cet instant ainsi que son palpitant qui maintenant un rythme infernal. Sa respiration était devenue difficile et Marie savait, sentait une énième chute venir pour l'attraper, la renvoyer dans le noir pour lui rappeler qui détenait le pouvoir et la force. Bruit. Ses tympans explosèrent. Ils sifflaient comme un train, anciennement à vapeur, à la déraille, comme un avion au décollage. L'étau se resserrait tellement qu'aucun son ne pouvait plus s'échapper de ses lèvres qui en devenaient bleues. L’air ne pouvait plus circuler entre sa trachée et ses poumons. Rien ni personne ne pouvait alors l'aider. Seule contre ce monstre noir qui montait au fond d'elle. Toujours les yeux fermés, elle laissa son corps chuter au sol. Écroulement. La chute ne fut pas brutale tant le feu qui faisait des ravages occupait tout son esprit. Son corps entier fut prit de spasmes qui la firent buter contre le sol. Encore et encore. Quelle chance pour encore s'en sortir seule? Encore une. Il allait falloir dépasser cette douleur écrasante pour la dominer et l'écraser son tour. Mais en était-elle capable ? Marie doutait.

15h.

Révolte. Son corps entier lui avait crié ce matin, mais qui aurait pu le savoir ? Sans aucun signal, elle s'était retrouvée à terre, abandonnée de ses forces et brûlée de l'intérieur. C'était comme s’il voulait qu'elle réagisse. Il l'attendait qu'elle se révolte, qu’elle prenne une décision. Marie était perturbée par l'expérience douloureuse du matin. Personne n'avait eu l'air de se rendre compte de son malaise. Et c'est sans aucun entrain qu'elle descendit quand une infirmière, une nouvelle à première vue, lui annonça qu'elle avait de la visite. Distraite, son livre tomba à terre. Quand Marie se baissa pour le ramasser, un dessin attira son attention, sous la table. Des petites croix, gravées dans le bois. Des petites croix, qui représentaient son dernier espoir de liberté. Son once de courage.


Novembre 2003 - 9 ans.


C'était simplement une enfant qui voulait s'amuser et non rester enfermée, cloîtrer à l'intérieur sans aucune raison. Pour elle du moins, cela n'avait alors pas de sens, elle n'avait pas compris pourquoi tant de personnes lui voulaient du mal. La porte principale avait été sa cible. Trop petite, trop naïve pour contrer ces personnes environnantes. Marie, fillette de neuf ans à peine avait été jusqu'à alors une petite fille sage, jamais de plaintes. Petite, jeune, naïve mais intelligente pour son âge, elle avait préparé un plan, à son échelle. Sa requête était pourtant simple : retourner avec ses parents. Sa cible était la porte principale, pour rejoindre le grillage, ouvert en journée et filer. Elle n'avait pas envisagé la suite du plan. Pour le moment.

14h.

L'heure du déjeuner avait pris fin et les patients devaient alors rejoindre leurs chambres ou voguer à leurs occupations. Marie avait alors tenté de s'écarter du groupe pour partir sur la gauche. Elle avait longé le mur d'un des salons, avant de rejoindre l'entrée, discrètement et silencieusement. La jeune fille avait tourné la tête à gauche, où se trouvait le point de poste de certains infirmiers mais personne ne s'était trouvé là. Elle avait soufflé, une bouffée d'espoir. Mais, plus loin se tapissait l'ombre. Il avait attendu, de la voir en action, attendant avec impatience ce qu'elle pouvait lui apporter. Il l'épiait comme un voyeur. Marie s'était élancée dans le couloir en courant pour atteindre la porte. Elle était si près du but mais, la porte lui semblait si loin. Soudain, elle fut tirée en arrière. Tirée par le col, elle s'était écroulée au sol sous le rire d'un médecin. Pas n'importe lequel. Toujours le même. Elle fut alors relevée directement par deux infirmiers, qui la saisirent sans attendre aucun ordre et l'un des deux hommes saisit ses frêles bras pour les rabattre dans son dos. Frappée, elle l'était.


Juin 2005 - 11 ans.


Deuxième tentative. Elle allait remettre ça. Marie n'était pas du genre à abandonner facilement et maintenant elle avait grandi quelques peu pour comprendre comment fonctionnait cet endroit et surtout combien de pièces, de couloirs, d'impasses, de chambres se trouvaient ici. Mais surtout, elle avait compris que le Dr Southampton attendait qu'elle tente encore de s'évader. Dans quel but, elle l'ignorait toujours. La porte principale était maintenant trop gardée, puisqu'après sa tentative, d'autres patients ont tenté à leur tour de sortir, sans succès. Mais Marie refusait d'y renoncer, arrêter d'y croire, perdre espoir.

16h.

Il avait fait un temps magnifique, le ciel bleu, un soleil éclatant, une journée d'été chaude. La plupart des patients s'étaient donc rendus en terrasse ou avaient fait une balade dans les jardins, toujours accompagné de quelqu'un pour les surveiller. La jeune adolescente avait fait comme tout le monde pour ne pas attirer l'attention sur elle. Du moins pas encore. Elle allait semer la pagaille et tant pis pour les conséquences qui suivraient ses actes. Elle n'avait pas peur de les assumer, du moins c'est ce qu'elle avait aimé se répéter pour toujours recommencer une nouvelle fois. Habillée d'un simple short en jean et d'un t-shirt uni ainsi que de chaussures ouvertes pour ce beau temps, elle s'était promenée dans le parc arrière, pour finaliser les détails de son plan. Il lui avait paru au point, elle n'avait plus le temps de reculer. Elle avait remonté le jardin pour rejoindre la terrasse avant de toucher ses poches.

« Oh non j'ai laissé tomber mon cahier, dit-elle en partant en courant vers le jardin »

Excuse bidon, elle n'avait pas de cahier. Elle avait dévalé les marches de la terrasse avant que quiconque ait pu esquisser un mouvement. Elle avait couru le plus vite possible pour prendre autant d'avance qu'elle le pouvait. Un des autres patient, assis dans un fauteuil qui jusqu'à alors était en train de jouer aux échecs s'était relevé brusquement.

« Maintenant ! cria-t-il. »

Le plan de la jeune fille était pourtant simple, fuir et faire diversion. Simple. Mettre en place une révolution... Le Dr Southampton avait débarqué à l'instant sur la terrasse en pagaille, des personnes étaient en train de courir, d'autres étaient déjà attrapés par les infirmiers. Il s'était approché d'un des infirmiers qui tenait fermement l'énergumène.

« Ce n'est qu'une diversion abruti ! C'est Sullivann qui tente de s'échapper, rattrapez la ! »

L'infirmier avait lâché le patient pour suivre la direction indiqué par son supérieur. Il avait dévalé à son tour les escaliers de la terrasse suivi de près par Southampton. Marie avait continué sa course, elle avait atterri au fond du jardin. Jamais, elle ne s'était aventurée si loin dans cet endroit, des arbres lui barraient la route et la vision. Elle avait zigzagué entre eux pendant une dizaine de minutes, sans savoir où elle allait tomber. Soudain, une paroi dure était rentrée en collision avec son corps. Elle avait tapé dessus, c'était une clôture en bois. Et elle mesurait au moins deux mètres de haut. Elle avait continué de taper, en colère contre elle-même, elle aurait dû savoir que quelque chose aurait barré son chemin. Marie se sentait tel un rat prit au piège et c'était toujours avec rage qu'elle avait tapé contre la paroi qui avait commencé à lui entailler les mains. Des bruits de feuilles. Elle n'était plus seule, les bruits s'étaient rapprochés, très vite. Une simple sensation de picotement. L'adolescente avait senti ses membres devenir lourds. Droguée, elle l'était.


Mai 2007 - 13 ans.


Cette fois, elle avait tout prévu. Marie avait revisité son plan et ce soir elle ne voulait plus échouer. Elle voulait se croire capable de réussir. Alors elle avait attendu la nuit.

22h.

Elle n'était pas censée se trouver là, elle aurait dû être dans son lit et la simple pensée que pour l'instant personne ne savait ce qui tramait la faisait sourire. Il était temps d'en finir. Marie s'était glissée dans une trappe qu'elle avait découverte deux semaines auparavant et qui menait au toit. Arrivée là haut, elle avait dû marcher sur les tuiles, éviter la gouttière pour prendre de l'élan et atterrir sur une branche d'un arbre. C'était de la folie pure mais, elle avait semblé confiante. Elle avait déjà essayé une grande partie du plan, seule la dernière partie dans la branche avait été... Risquée. Mais Marie avait préféré de ne pas y penser sur le moment et agir sur le coup de l'adrénaline, après tout elle avait déjà tenté deux fois, pourquoi pas une troisième fois ?
C'était finalement sur le toit, seulement éclairée par le clair de lune que Marie avait eut un peu peur. Est-ce que cela valait vraiment la peine de risquer sa vie ? Tomber ne lui aurait certainement pas été mortel, mais elle aurait pu garder des séquelles irréversibles. Seulement la chance avait été de son côté, la jolie blonde avait réussi à atteindre une branche sans sauter et parvenir au tronc pour descendre sans encombre. Comment diable avait-elle réussi à descendre sans même s'écorcher ? Aujourd'hui encore elle se posait la question mais, peu importait. Le Dr Southampton avait veillé au grain, lui avait laissé l'illusion de pouvoir imaginer sortir, s'enfuir, pourvoir s'échapper avant de l'attraper à deux mètres de l'arbre qu'il lui avait pris tant de temps à descendre. Cet homme était mauvais, trop mauvais.


Retour au présent - 15:10


Une dizaine de minutes s’étaient écoulées et Marie était toujours à genoux devant cette table. Immobile et perdue dans ses pensées. Ces trois petites trois, qui représentaient ses trois tentatives d'évasion. Elle n'avait pas essayé de nouveau depuis, pourtant ce n'était pas l'envie qui lui manquait. Il lui manquait seulement un plan, un bon plan. Nicholas n'avait jamais été mis au courant de ses tentatives. Et elle ne désirait pas qu'il le soit. Seulement, elle ne pouvait pas prévoir ce que le Dr Southampton mettrait en place pour la remettre à sa place. Faisant virevolter ses boucles, la jeune femme se releva. On frappa à la porte, deux légers coups, discrets. Nicholas.

« Je viens, je viens !
— Je peux entrer ?
— J'arrive, répéta-t-elle sans répondre à sa question. »

Marie ouvrit la porte à la volée. Et il était là, à l'attendre devant la porte, un sourcil relevé, intrigué. Elle se contenta de refermer la porte dans son dos avant de lui sourire. Il était enfin là.

« Il me semble que cela fait presque dix minutes que j'attends devant cette porte, lui dit-il amusé.
— Désolé Nicholas, j'étais… Perdue dans mes pensées.
— On va se promener ? »

Il lui tendit sa main, qu'elle accepta aussitôt. Bien qu'il fasse alors froid dehors, ils sortirent, tous les deux vêtus de manteaux. Ils marchèrent dans le jardin, maintenant connu par coeur par les deux amis mais, peu importait. Pendant deux heures, ils discutèrent, de tout de rien, de choses importantes, d'autres moins.

« Nicholas ?
— Oui ?
— Tu n'avais pas dit que tu devais m'annoncer quelque chose ?
— En effet, Marie, en effet, répondit-il en adoptant un ton soudainement sérieux.
— Je t'écoute, alors. »

Le sérieux soudain avait fait plisser les yeux à Marie. Malgré que Nicholas était un jeune homme sérieux, il était plutôt souriant et souvent joueur, rieur, souriant.

« La semaine prochaine, tu sais que je pars en vacances en famille.
— Nicholas, si c'est seulement pour me répéter quelque choseque je sais déjà, pourquoi être tant mystérieux ?
— C'est délicat, Marie, expliqua-t-il avant de continuer. Je pars la semaine prochaine, mais pas seul.
— Et bien, tu pars avec ta mère cela tombe sous le sens que tu ne partes pas seul.
— Je ne pars pas qu'en famille, Marie. Je pars avec quelqu'un qui compte beaucoup pour moi, mais avant j'aimerai te la présenter, Marie la semaine prochaine je pars en famille et avant de partir je te présenterai ma petite amie à cette occasion, Nikki. »