Chapitre 04      



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Seuls les idiots croient la chance








Chapitre 04: Parallèle

image décorative en début de chapitre - photo en noir et blanc de quelques fleurs dans un arbre

« L'extrême esprit est accusé de folie comme l'extrême défaut... C'est sortir de l'humanité que de sortir du milieu. » -Blaise Pascal




30 janvier 2011.
(Deux jours plus tard)

Marie voguait sans but précis, dans le jardin du centre, emmitouflée dans un gros gilet en laine assez long. Ces deux derniers jours, elle avait passé ses journées dans cet endroit, vide, calme, recouvert de neige en raison de la saison. Se retrouver seule, seulement englobée par le silence lui avait fait un bien fou, du moins avant de devoir retourner dans sa chambre, le soir. Ses chaussures écrasaient la neige sur son passage, ce son si particulier que Marie appréciait. De la buée s’échappait de ses lèvres mais pourtant il ne faisait pas tant froid que cela, pour la saison. Soudain des cris, se firent entendre. Des cris de douleurs, de détresse mais surtout de colère. Marie plutôt passive d'habitude, tourna la tête précipitamment, alerte. Elle se rapprocha de la source des cris. Elle n'eut besoin que de faire quelques pas avant de la voir, grâce aux grandes baies vitrées. Une jeune fille, elle était rousse et de taille moyenne. Elle la voyait se débattre contre tous ces hommes autour d'elles qui s'agitaient pour la maintenant en place. La jeune rousse parvint à se dégager pour se mettre à courir. Peine perdue, elle fut reprise en main quelques secondes plus tard, mais cessa brusquement tout mouvement. Avant que ses yeux ne se ferment, elle capta le regard de Marie. Et cette dernière vit que son regard était perdu, meurtri. Derrière la jeune fille rousse, se trouvait le Dr Southampton, seringue en main. Marie fut parcourue de frissons, cette scène faisait écho dans sa tête.


Quelques années plus tôt

Des cris. Encore des cris. Toujours des cris. Plus de cris. Encore et toujours.

Elle avait crié, plus fort que jamais, pour tenter de se défaire de leur emprise. Elle s'était débattue, entre leurs bras pour leur échapper. Elle n'avait pas arrêté de se débattre et elle ne voulait toujours pas. Marie venait seulement d'arriver dans le centre à cette époque. Sortie de la voiture de force par sa mère, rentrée de force par son père, poussée de force par les infirmiers et les médecins. Elle avait été cernée, de tous les côtés. Aucune issue possible.
Elle avait continué à se ruer, se cambrer, donner des coups de pieds, pousser sur ses bras, balancer ses jambes, tourner la tête, en vain. Ils étaient six et elle était seule. Seule contre tous. La jeune fille s'était arrêtée, soudainement et son corps entier s'était détendu. Un regard entre médecins, ils la tenaient toujours. Elle était essoufflée, sa poitrine remontait et descendait au rythme saccadé de son souffle. Elle n'allait pas leur laisser ça, pas elle, pourquoi elle d’ailleurs ? Dans l'incompréhension, elle n'avait pas compris, se retrouver contre ses propres parents ? Profitant de l’inattention et l’incompréhension des médecins et des infirmiers, elle avait fermé les yeux, avancé son pied droit avant de plier le genou pour passer en dessous d'un infirmier, entre ses jambes. C'était de la pure folie, ses chances de réussir étaient quasiment nulles. Minces mais réelles, parce qu’elle y croyait. Elle s'était retrouvée dans un milieu inconnu, elle n'avait pas su par où aller pour sortir le plus vite possible. Sans pouvoir réfléchir, elle s'était enfuie par la porte vitrée, au fond. Mais elle était si jeune, si fragile, perdue, contrainte.
Elle avait couru, pour s'enfoncer dans le jardin, ses larmes avait roulé le long de ses joues l’aveuglant momentanément. Et soudainement tout s'était arrêté. Aussi vite que la course avait commencé, elle avait pris fin. Un cri lui avait échappé tandis qu'ils avaient tenté de la maintenir encore dans l'étau d'un infirmier. Elle avait hurlé. Et puis finalement, elle avait cessé de se débattre. Et la gamine avait abandonné la lutte avant même de l'avoir commencé. Et elle avait perdu parce qu’elle avait crû en ses chances.
Marie ouvrit la baie vitrée, pour rentrer à l'intérieur. Elle ne voulait pas assister à cette scène qui lui rappelait sa propre histoire. Malgré la tentation de vérifier l’état de la jeune fille rousse, Marie prit sur elle pour s’empêcher de tourner la tête vers la gauche. Elle monta les marches de l’escaliers rapidement pour monter dans sa chambre, un détail venait de la titiller et elle voulait vérifier que sa mémoire ne lui jouait pas de tour.

Et si je pouvais m'enfuir? Loin, tellement loin que personne ne pourrait me retrouver. Si j'avais la moindre chance d'échapper à tous ceux qui se mettrais en travers de mon chemin pour atteindre la sortie. Mais comment le faire seule? Je n'ai plus envie d'attendre demain pour me dire que tout ira bien, je veux gagner cette bataille. Non, pas seulement cette bataille mais la guerre entière. Je veux réussir. Et si je pouvais revoir l'Océan, la liberté suprême de l'Océan? Je dois me promettre de tout faire pour ne plus dire « et si » demain, cela ne sera plus « et si je pouvais m'enfuir » mais, « je vais m'enfuir ».

Les mots s'étalaient sous ses yeux, Marie se souvenait encore du jour où elle les avait écrit. Cela remontait à quelques années, maintenant. Le sentiment qui l’avait envahi ce jour-là avait disparu mais avait été remplacé par un autre. Jusqu'à maintenant, elle n'avait plus pensé à ce bout de papier, rangé dans un coin. Mais le parallèle qui venait de faire écho dans sa tête lui fit penser encore à un autre détail. La première fois qu'elle l'avait rencontré.


Avril 2008


Deux ans, deux ans déjà que Marie était en train de croupir dans cet endroit. Endroit qui ne lui avait rien apporté de plus que de la laisser sombrer dans une dépression, seule. Accompagnée d'un infirmier, derrière elle, Marie avait voulu se balader dans les rues de la ville. Chose qu’on accordait seulement aux patients les plus « sages ». Le soleil au loin était en train de se coucher et elle l'avait observé descendre derrière l'horizon. Elle avait soupiré en voyant les derniers rayons du soleil traversé la rue avant de disparaître subitement derrière les immeubles. Marie avait voulu le suivre, même si le soleil continuait sa course, elle voulait lui courir après. La blondinette avait jeté un dernier regard vers l'infirmier, distrait, avant de se mettre à courir vers lui, vers sa lumière. L'infirmier n'avait pas eu le temps de réagir, trop concentré sur ses propres pensées mais quand il avait tourné la tête, elle avait disparu, envolé la petite Marie. Elle avait tourné au carrefour, en face il y avait un parc, encore éclairé par la lumière naturelle et chaude que produisait le soleil. Et, à cet endroit, au centre, il y avait un kiosque, la fillette avec l'impression qu'il avait illuminé le parc plus tôt, par sa taille, sa splendeur, elle ne savait pas exactement pourquoi mais cet endroit lui paraissait grandiose. Elle s'était approchée, plus près, pour monter sur ses marches en bois. C'est à cet instant qu'elle remarqua un jeune garçon, assis, seul, une guitare sur ses jambes. De ses prunelles bleues, elle l'avait regardé un long moment jouer et enchaîner les accords. Marie avait finalement rejoint le garçon, à ses côtés. Il n'avait rien dit, il l'avait regardé s'asseoir avec un sourire avant de se remettre à jouer. À cette époque, elle avait seulement quatorze ans et lui quinze, ils venaient à peine de se rencontrer mais ils étaient jeunes et à cette époque les choses nous paraissent plus simples, beaucoup plus simples. Les amitiés se créaient aussi rapidement qu’elles se déchiraient. Ce jour-là, Marie avait trouvé son premier allié. Retour à la réalité. Marie secoua la tête pour que ses souvenirs disparaissent. Un autre papier attira son attention sur son lit. Il n'était pas là tout à l'heure. Marie supposa que c'était seulement un message d'un infirmier ou autre.


« Surprise pour demain -Nicholas. »