Chapitre 03      



Bannière Burn Me Out blanche
Seuls les idiots croient la chance








Chapitre 03: Explications

gif décoratif en début de chapitre - quelques bougies brûlent dans le noir

« Au début on croit mourir à chaque blessure.
On met un point d'honneur à souffrir tout son
soûl. Et puis on s'habitue à endurer n'importe
quoi et à survivre à tout prix. » -Virginie Despentes




28 janvier 2011. 10:30


Marie passait ses doigts sur l'album photos. Un album rempli de souvenirs, ses souvenirs. Certains étaient plus douloureux que d'autres. Les photos retraçaient le voyage d'une personne qui a sombré trop tôt. Partie sans un au revoir, son bateau à chavirer. C'était il y a presque une dizaine d'années maintenant, mais la douleur était telle qu’hier. La jeune femme n’arrivait à pas à se remettre en selle et prendre le dessus sur ses souvenirs. Les souvenirs n’étaient pas censés être douloureux.

« Pourquoi m'avoir abandonné si tôt ?»

Ses doigts défilaient sur les images, entassés dans cet album. Photos de vacances, de voyages, des cartes postales, des lettres... Une photo où on pouvait la voir avec un chapeau de clown, arracha à Marie un sourire triste. Ses souvenirs entassés dans sa mémoire. Quand soudain, quelqu'un rentra dans la pièce. Elle essuya rapidement les larmes qui avaient coulé.

« Si vous continuez à vous apitoyer sur votre sort, je vous retire l'album.
— Dr Southampton, je n'ai pas peur de vos menaces, sortez.
— Mlle Sullivann, vous êtes dans mon centre, je suis celui qui décide, lui répondit-il.
— Très bien, dit-elle. »

Elle ferma l'album dans un geste rapide, avant de se lever de son lit pour se diriger vers la porte sans lui adresser un seul regard. Elle passa la porte sans la fermer avant de chercher dans le couloir une infirmière pour lui demander si elle pouvait sortir dans le jardin.

« Il neige, mademoiselle.
— Tant mieux alors.
— Ne prenez pas froid, lui dit-elle en soupirant et en lui prenant l'album pour le ranger. »

Marie lui sourit pour la remercier, avant de se diriger vers les escaliers. En général, elle ne prêtait pas attention aux autres personnes, car la plupart lui faisait peur alors comme à son habitude elle ignora les regards qui se posaient sur elle. Arrivée au niveau de la véranda, elle tira la poignée de la baie vitrée, avant de sortir dans le jardin. Perdue dans ses souvenirs, elle ne s'aperçut pas qu'on l'observait de derrière une fenêtre.


26 janvier 2001


Ce jour-là, était censé être merveilleux. Marie s'était levée de bonne heure, pour lui rendre visite. Ses parents étaient censés l'amener à l'hôpital, voir sa grand-mère. Elle était sortie de son lit, de sa chambre, pour aller voir ses parents. Elle avait sept ans. Sept années, où elle avait été bercée par la voix, de sa grand-mère, beaucoup plus présente que ses parents eux-mêmes. Sa confidente, à qui elle racontait ses problèmes à l'école avec ses copines, sa meilleure amie, parce que ses copines n'étaient pas vraiment comme elle. Déjà assez grande dans sa tête, elle ne posait pas les questions des enfants de son âge, mais quand elle voyait sa grand-mère prendre ses petites pilules, elle savait qu'elle n'allait pas bien, malgré ses sourires. Quand elle était encore bébé, un peu avant ses deux ans, Marie avait eu une pneumonie, et après ce soir, c'était seulement sa grand-mère qui l'avait gardé pendant les années qui avaient suivi.
Il n'y avait qu'un petit papier dans la cuisine, que Marie avait lu sans problèmes. "Nous avons une urgence, on revient très vite, nos numéros sont enregistrés sur le téléphone". Marie s'était sentie, seule, déçue. Et le rendez-vous avec sa grand-mère ? Elle était partie dans le salon, s'asseoir sur l'imposant canapé, et elle avait replié ses jambes contre elle, en boule. Seule. Les lumières étaient éteintes, il n'y avait aucun bruit, son, le calme plat. Marie avait le visage rivé vers le sol, mais elle n'était pas en train de le regarder, non elle regardait plus loin, dans le vide. Et les heures étaient passées comme ça, pendant plus de quatre heures, la petite avait été seule, dans le salon, toujours dans le noir, les yeux rivés sur le sol. Elle avait alors semblé comme figée. Et Marie avait alors relevé la tête. Elle était en train de comprendre ce qui se passait. Elle comprenait, elle en était persuadée. Ses larmes se mirent à couler d'emblée, mais c'était beaucoup plus fort.

Trop fort, pour une fillette de sept ans.

La porte avait claqué. Son père s'était précipité sur sa fille, pour l'enlacer, la serrer le plus fort possible. Sa mère était trop écroulée pour seulement bouger, ou parler. Marie n'avait pas répondu à son étreinte. Son père avait alors prononcé les paroles fatidiques, la destruction entière de la fillette, de son âme.

« Elle est partie, elle a rejoint le ciel. »


La chute.

Marie tomba, s'écroula. Ses jambes se dérobèrent refusant de porter son poids plus longtemps. Ses souvenirs étaient clairs. C'était comme le revivre, une fois encore. Ce n'était pas la première fois que cela arrivait, le même scénario se déroulait souvent, et toujours la chute était si brutale, aussi forte que la douleur qui s'en suivait. C’était comme si cette chose qui lui comprimait la poitrine appuyait de toute ses forces pour bloquer sa respiration. Elle souffla sur ses doigts, les rassemblant comme pour en position de prière.

Elle implorait le ciel.

Elle l'implorait, à genoux, de l'aider, de lui faire quitter cet endroit abominable, qui lui rongeait l'âme jusqu'à la chair. Son souffle s'épuisait, les souvenirs continuaient de monter, ses pensées se perdaient, se confondaient jusqu'à se perdre avant même que Marie ne puisse y mettre de l'ordre. Sa poitrine et le reste de son corps s'affalèrent alors dans la neige. Sa déchirure au coeur semblait tout emporter sur son passage comme une tornade sur son chemin, ne laissant rien que des blessures. Elle voulait hurler, les détritus de son coeur la brûlaient comme un brasier, sa poitrine semblait prendre feu. C'est à ce moment-là qu'il décida d'intervenir. Marie releva la tête vers le ciel, les yeux dans le vague. Nicholas se stoppa dans son élan, coupé par son geste. Elle attrapa un peu de neige dans le creux de sa paume.

« Tu m'as abandonné, seule, contre tous. »

Nicholas ouvrit la bouche, ne distinguant pas les paroles de Marie. Il ouvrit la baie vitrée, une couverture sous le bras. Il se jeta à genoux, devant son pauvre corps faible. Elle ne le voyait pas, encore dans le voyage du temps et des souvenirs. Elle ne cessait de répéter cette phrase, encore et encore, sans but précis.

« Marie, reviens, je suis là, c'est terminé. »

Il déploya la couverture et la posa sur ses épaules. Au loin le docteur Southampton avait tout vu.