Chapitre 02      



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Seuls les idiots croient la chance








Chapitre 02: Décadence

image décorative en début de chapitre - photo en noir et blanc d'un ciel nuageux.

« Le temps d'apprendre à vivre il est déjà trop tard
Que pleurent dans la nuit nos coeurs à l'unisson
Ce qu'il faut de malheur pour la moindre chanson
Ce qu'il faut de regrets pour payer un frisson
Ce qu'il faut de sanglots pour un air de guitare. » - Louis Aragon




27 janvier 2011


Marie n'avait pas voulu quitter sa chambre depuis qu'elle s'était réveillée. Elle se tuait dans un mutisme et un silence total depuis qu'on lui avait apporté son petit-déjeuner Dans sa chambre, éclairée seulement à la lumière du jour, elle attendait au bord de la fenêtre, les jambes repliées contre son buste, la seule position qu'elle trouvait agréable. Il pleuvait ce matin-là, mais elle le guettait quand même. Elle savait qu'il viendrait. Après tout, il lui avait promis qu'il viendrait. Mais chaque jour ou quand il venait, c'était toujours à une heure différente, laissant Marie dans l'attente. Cette même attente et ce mutisme.


16h34.


Marie n'avait pas bougé de la journée. Elle était restée assise et s'était levée seulement quand ses jambes devenaient douloureuses à force de garder la même position. Elle avait sauté un repas mais ce n'était pas la première fois et personne ne vérifiait vraiment si elle venait déjeuner. Dans un sens, la jeune femme appréciait cette liberté même si ces manières étaient irresponsables, surtout dans un centre de cette envergure. Toujours postée sur le coin de la fenêtre, Marie vit sa voiture se garer sur le parking visiteur.

Enfin.

Elle se remit soudainement sur ses pieds et sortit de sa chambre en courant, sans prendre le temps de fermer la porte. Elle entendit des chuchotements sur son passage, comme souvent mais peu lui emportait, il venait enfin la voir. Elle voulait s'excuser pour son comportement lors de sa dernière visite et de l'avoir sauvé. Elle dévala les escaliers avant de se rendre à la porte principale et dévia sans mal la vigilance des deux vigiles de l'entrée. Ils connaissaient la jeune fille, de toute manière Impatiente, elle ouvrit la porte et sortit le rejoindre sans se soucier de ses pieds nus ou de la pluie. De loin, il reconnut aisément la tête blonde et bouclée sortir et s'élancer en courant dans sa direction. Toujours elle l'étonnerait. Elle s'était mise à courir vers lui comme le ferait un enfant heureux, avant de se jeter dans ses bras. Elle se cramponna délicatement à lui, comme une bouée de sauvetage, et Nicholas resserra son étreinte, autant qu'il le pouvait sans lui faire mal. Il avait toujours de la briser, tant elle semblait fragile. Marie glissa sa tête dans son cou. C'était sa manière à elle de s'exprimer quand elle ne voulait pas utiliser des mots, qui la rendaient parfois mal à l'aise. Elle ne parlait pas beaucoup, d'autant plus. Ils restèrent là, sous la pluie, trempés mais importaitce vraiment ? Marie finit pourtant par s'écarter et laissa échapper un rire.

« Qu'est-ce qui te fait rire ? lui demanda Nicholas.
— Je suis mouillée, pieds nus, sous la pluie, s'exclama-t-elle.
— Tu vas prendre froid, tu sais. »

Nicholas passa sa main sur son visage, glissant sur sa nuque pour l'attirer au creux de ses bras pour tenter de la réchauffer comme il le pouvait. Marie entendit un glissement non loin et elle se rendit compte de la présence du docteur Southampton qui arrivait à leur hauteur.

« Docteur Southampton, le salua Nicholas quand il fut près d'eux.
— M.Nicholas Miller, j'aurais dû m'en douter. Elle sort de sa chambre uniquement pour vous voir... grommela-t-il. Mademoiselle Sullivann, vous rentrez maintenant. »

Marie se détacha de Nicholas pour retourner vers l'entrée. Il la suivit et pris sa main dans la foulée avant de la serrer pour lui montrer son soutien silencieux. Il l'aidait comme il le pouvait. Ils furent suivis par le docteur, sur leurs traces, constamment à la surveiller. Nicholas jeta un coup d'oeil en arrière, pour voir Southampton juste derrière, ce qui le fit tiquer, ce qu'il évita de montrer. Ce dernier ouvrit la porte pour laisser passer Marie avant de tenir cette première pour le docteur, quelques secondes et de finalement passer à son tour pour rejoindre la jeune fille. Malgré son ressentit, c'était un jeune homme poli et lui fermer la porte au nez n'arrangerait rien à la situation de Marie qui se contenta d'hausser un sourcil devant son geste. Elle ne se concentra sur ce détail que quelques secondes avant d'entraîner le bouclé avec elle dans son endroit préféré du centre. La véranda. La véranda n'était pas un endroit où beaucoup de personne se rendait. Ce qui était étrange quand on se rendait compte de la beauté du lieu. En hiver, on pouvait voir la neige tombée sur le verre et c'était simplement magique, selon Marie. Quand elle n'attendait pas Nicholas, elle y passait ses journées, en général, un livre sur les genoux. C'était sûrement pour cette raison que personne ne venait. Marie s'assit dans un des fauteuils, avant de pousser un livre qui était resté là pour que Nicholas puisse s'asseoir à son tour. Ce dernier prit place en face, avant de prendre le livre. Il s'intéressait aux activités de son amie et c'était souvent lui qui lui apportait des nouveaux livres. Parfois, ils échangeaient leurs avis mais Marie préférait garder le sien pour elle. Elle avait peur qu'il la juge, qu'il trouve ça stupide et qu'il s'en aille pour la laisser seule. Marie avait très vite perdue sa liberté de jeune fille, d'adolescente comme les autres. Elle, elle aurait voulu vivre normalement, et ne pas attiser la pitié, l'embarras. Mais aujourd'hui encore elle avait espoir... Espoir de quitter cet endroit. Même si cet espoir disparaissait au fil des jours un peu plus.


20h45.


Marie avait replié ses jambes sous ses cuisses pour trouver une position confortable, tandis qu'elle lisait attentivement le livre que Nicholas lui avait apporté aujourd'hui. Son attention fut soudain distraite et son coeur manqua un battement quand elle reconnut la silhouette qui venait de prendre place à l'ancienne place de Nicholas.

« J'espère, que vous ne cherchez pas un moyen de fuir cet endroit.
— Je finirai bien par en trouver un.
— Ne jouer pas la maligne, mademoiselle Sullivann, répliqua-t-il. N'oubliez pas qui commande. »

Ses simples mots chuchotés furent frémir la jeune fille. Elle voulait qu'il s'éloigne, parte au loin et qu'elle puisse se remettre à lire. Ses pensées furent dérangées quelques instants et elle se recula vivement, sans réfléchir. Le docteur Southampton quitta la pièce, faisant claquer ses chaussures sur le sol un sourire scotché à son visage alors qu'il appelait les infirmières. Marie tiqua avant de pousser un soupir. Après tout, elle ne pouvait rien faire. Elle pouvait toujours essayer de courir pour s'enfuir mais elle fut vite de retour dans le monde réel, quand deux infirmières entrèrent dans la pièce, avec un sourire hypocrite.

« C'est l'heure, Marie, commença la première.
— Ne faites pas d'histoire aujourd'hui, je vous prie, continua la seconde. »

Elle n'avait que quelques secondes pour réfléchir. Pourquoi pas, après tout ? Marie se mit à sourire, détail qui dérangea immédiatement les deux infirmières. Elle préparait quelque chose et c'était imminent. Soudainement, elle se mit sur ses pieds, cacha son livre dans son dos, coincé entre son jean et son t-shirt et elle renversa la table basse qui s'écrasa avec fracas au sol. Le vase se brisa, éparpillant du verre partout dans la pièce et Marie en profita pour se faufiler par la porte latérale. Elle pourrait rejoindre sa chambre sans problèmes. Elle monta les escaliers en vitesse. Elle éclata de rire en pensant à la grimace qu'avait tiré les deux infirmières. Marie ferait toujours des histoires tant qu'on voudrait lui faire prendre ces foutus médicaments inutiles. Elle fut soudain attrapée et elle voulut crier mais une main se posa délicatement sur ses lèvres.

« Chut, tu vas te faire prendre sinon.

C'était un de ses voisins de chambre. Elle ne connaissait pas son nom, simplement son numéro et la raison pour laquelle il était enfermé, lui aussi. Il la regarda attentivement alors que Marie put aisément entendre des pas rapides dans le couloir, les infirmières entrer dans sa chambre. On la cherchait. Mais elles ne trouvèrent rien et quand elles finirent par repartir, le patient la lâcha.

— Vous êtes dangereux, lui dit Marie en s'essuyant la bouche.
— De rien, répondit-il simplement. »

Il venait de l'aider, mais elle savait qu'il était potentiellement dangereux. Elle était dans la salle de repas, elle aussi, quand il avait tenté de mettre fin à sa vie avec son couteau. Elle ne comprenait pas pourquoi cet homme avait voulu mettre fin à sa vie, mais elle lisait sur son visage qu'il était triste. Non, il n'était pas dangereux.

« Vous êtes triste, chuchota-t-elle.
— Sors de là gamine. »

Il ne l'avait pas dit méchamment, c'était plus qu'une simple demande, c'était une supplication. Cet homme était dévasté et elle ne savait pas pourquoi mais son instinct la poussa à l'entourer de ses bras quelques secondes pour le remercier. Elle n'avait pas réfléchi et même si l'homme ne répondait pas à son étreinte, peu lui importait.

« Merci, finit-elle par dire avant de s'éclipser. »

Elle entendit un sanglot quand elle ferma la porte et Marie su qu'elle avait réussi à toucher un homme qu'elle s'était contentée d'observer pendant des mois. Quand elle bloqua la porte de sa chambre avec un bout de son lit la jeune fille se sentait d'une légèreté nouvelle avant de revenir une nouvelle fois à la dure réalité de l'endroit où elle se trouvait. Mais cette fois, elle ne pleura pas.