Chapitre 02      



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Seuls les idiots croient la chance








Chapitre 02: Taxi

gif décoratif en début de chapitre - jeune femme dont on ne voit pas le visage, fait claquer ses doigts avec les cheveux au vent

«I'm gonna tell you something you don't want to hear. I'm gonna show you
where it's dumped, but have no fear.» - London Grammar




Londres - 14 juin 2012, 15h
(deux ans plus tard)


Londres. La belle capitale, ses hautes tours, son architecture atypique, Big Ben, la Reine. L’image la plus popularisée et pourtant il y avait bien une part de vrai dans tout ça. Londres était une grande ville, impressionnante certes mais la capitale était grise. Les gens ne prenaient pas le temps de vivre, de s’excuser quand ils bousculaient quelqu’un ou juste accorder un sourire. Londres c’était la ville du business, de l’argent, la croissance économique, de la richesse. Mais Lydie avait été heureuse de rejoindre la capitale pour commencer ses études supérieures. Ce qui la branchait, elle, c’était d’observer, prendre le temps de regarder pour comprendre sans avoir à poser de questions et en plus de cela, elle avait une certaine capacité pour deviner les pensées des autres, à travers un regard, une expression ou deux, trois mots. De plus, elle voulait se sentir utile. Alors, après avoir obtenu son diplôme, la jeune femme avait tenté sa chance au King's College de Londres, pour se lancer dans le droit. Elle avait travaillé dur de son côté pour atteindre cette école surtout après l'incident dans la forêt. Lydie avait voulu partir, plutôt fuir cet accident qui lui avait valu bon nombres de cauchemars et encore deux ans plus tard, il lui arrivait de se réveiller en pleine nuit. Tout n'avait pas été simple après le jeu des Brands mais elle n'avait pas laissé tomber, elle ne s'était pas écroulée, elle n'avait pas eu le droit. La fin d'année était arrivée comme une tornade et elle s'était convaincue, grâce à ses heures de cours interminables, ses devoirs qui étaient tombés en masse, ses révisions à n'en plus finir, à mettre de côté ce qu'il lui était arrivé. Mais l'astuce n'avait fonctionné qu'un temps. Et Lydie s'était enfuie juste après la remise de son diplôme ne sachant toujours pas gérer la situation. Et Danny n'avait pas refait surface.
La jeune femme avait grandit ces deux dernières années, son corps s'était affiné mais elle n'avait pas grandit plus elle garderait sûrement son mètre soixante-huit pour la vie, ses cheveux avaient largement poussé mais elle avait prévu de les couper un peu dans quelques temps, pour l'été. En la voyant déambuler dans les rues de Londres, de cette manière on ne la voyait pas. Lydie avait gardé une cicatrice du jeu des Brands, une longue cicatrice sur sa jambe qu'elle tentait en permanence de cacher du mieux qu'elle pouvait, par des jeans, des collants, tout était bon pour la cacher. Si elle avait voulu espérer oublier cet incident, cette cicatrice resterait toujours là pour lui rappeler ce qu'il lui était arrivé. Lydie souffla en y pensant une nouvelle fois. Un jour, elle pourrait passer à autre chose sans crainte, il lui suffisait de laisser couler le temps pour se remettre sur pieds. Elle restait confiante.
Alors qu'elle se dirigeait vers son premier cours de la journée, Lydie sentit son téléphone vibrer dans sa poche arrière. Elle jeta un coup d’œil à sa montre pour vérifier s'il lui restait un peu de temps avant de le sortir de sa poche pour voir qui tentait de l'appeler, si tôt le matin.

Appel entrant : Ben.

La jeune femme s'arrêta brusquement, surprise. Elle ne pu masquer l'étonnement sur son visage, car jamais son frère ne prenait la peine de l'appeler. Allait-elle lui répondre ? Lydie n'eut aucune hésitation quand elle réduit au silence son téléphone avant de le fourrer rapidement dans son sac et rejoindre sa salle de cours, une fois l'étonnement passé.


**
Le lendemain – 11h


Le soleil avait déjà bien avancé dans le ciel quand un de ses nombreux rayons tapa sur les paupières fermées de Lydie, endormie dans son lit. La jeune femme profitait de sa matinée sans cours pour se reposer de sa longue semaine. Vendredi était son jour préféré, elle n'avait que deux heures de cours dans la journée et alors qu'elle profitait de la chaleur sous ses draps, son téléphone sonna de nouveau. Déjà presque réveillée, Lydie trouva son téléphone sans mal avant de jeter un coup d’œil à l'écran : Maison. Hier son frère et aujourd'hui la maison, peut-être était-ce une simple coïncidence, au final. Elle soupira avant de se préparer à décrocher et entendre une nouvelle fois le même discours de sa mère ou peut-être son père poussé par sa mère. Elle avait épuisé toutes les excuses possibles en deux ans pour ne pas devoir rentrer chez ses parents. Évidemment, ces derniers lui manquaient énormément mais après son accident, la jeune femme avait fait son maximum pour s'éloigner au plus vite, car elle savait qu'elle ne pourrait pas supporter de croiser Danny par pur hasard. Danny. Il lui avait manqué, terriblement, comme jamais, surtout quand elle avait eu tout ce temps à l'hôpital, seule avec ses pensées. Mais elle était à Londres maintenant et le souvenir de Danny semblait si lointain. La distance et le temps avait fait son œuvre. Lydie s'était remise grâce à son départ et ses études, ses nouvelles rencontres et sa nouvelle routine. Elle avait trouvé son nouvel équilibre.
Alors elle avait tout essayé pour rester à Londres le plus longtemps possible : je dois réviser, j'ai un examen, je suis fatiguée, il y a des problèmes de transports, des grèves, je suis malade (migraine, grippe, rhume, maux de ventre...), trop de devoirs, trop de révisions, je suis déjà prise... Ses parents n'avaient pas insisté heureusement et son frère ne s'était pas donné la peine de lui téléphone ou de lui envoyer le moindre message. Ce fut alors un grand étonnement, puis de la suspicion, que Lydie découvrit le nom de son frère s'afficher sur l'écran. La jeune femme hésita les deux première sonneries avant de se décider à répondre.

« Allô ?
— Il faut que tu rentres.
— Que veux-tu Ben ?
— Qu'importe ton excuse bidon, arrête de te défiler, tu viens de terminer ton année, tu dois rentrer. »

Lydie n'eut pas le temps de lui répondre que Ben avait déjà raccroché. La jeune femme se laissa retomber brutalement et mollement sur son lit, complètement perdue. Malgré sa veillée à l'hôpital quand elle avait été blessée, le comportement de son frère n'avait pas changé, loin de là. Pourquoi se donner la peine de l'appeler, tout d'un coup ? Elle doutait que ce soit à la demande de ses parents et le ton de Ben n'était pas inquiétant. Simplement et comme toujours distant et froid. Mais la véritable question que Lydie se posait était, allait-elle se plier à la demande de son frère ?


**
Semaine suivante – 23 Juin


Lydie avait retourné la question dans tous les sens et elle refusait d'admettre qu'elle se trouvait dans ce train à cause de son frère. Il ne méritait pas qu'elle revienne pour lui, à sa demande. La jeune femme se doutait bien qu'il cachait quelque chose pour lui demander de revenir. Elle avait refusé qu'il vienne la chercher, évidemment, quand son père lui avait proposé. Tout le long du trajet, Lydie avait continué à se poser des questions et elle doutait que revenir à la maison était la meilleure idée. Cependant, la jeune femme voulait croire que si son frère avait daigné lui téléphoner, peut-être alors, après tant d'années, il avait changé son attitude malgré qu'elle lui avait paru ordinaire au téléphone la semaine passée. Lydie préférait encore croire qu'il restait une once d'espoir. Après presque une heure de train, ce dernier arriva enfin en gare de « Hertford North » et elle se mêla aisément à la foule en descendant du train. Elle connaissait bien cette gare alors elle se faufila entre les voyageurs des différents trains sans gêner. Ses parents ne pouvaient pas venir et la récupérer et elle avait refusé que Ben se déplace pour venir la chercher. Elle ne voulait rien lui devoir. Si Lydie avait passé son permis, étant à Londres elle n'avait pas besoin de voiture. Sa dernière option était de prendre le bus ou un taxi. Elle opta pour un taxi quand elle vit la file de ces derniers en sortant du hall de la gare. Elle serait plus vite arrivée en taxi qu'en bus.

« Vous prenez un taxi, mademoiselle ? Demanda soudainement quelqu'un dans son dos alors qu'elle s'approchait.
— Oui, répondit-elle en se retournant découvrant un chauffeur.
— Je vous emmène où ? »

Elle n'avait pas eu le temps de lui répondre qu'il avait déjà ouvert son coffre et prit sa valise pour la mettre dedans. Lydie se retrouva coincée avec un chauffeur qui semblait avoir peur de perdre un client et elle n'appréciait pas qu'on lui force la main. Elle se glissa néanmoins sur la banquette arrière du taxi et le chauffeur démarra en vitesse alors qu'elle lui indiquait le nom de la rue de la maison de ses parents.


**


Le chauffeur la rendait définitivement nerveuse, il ne cessait de la regarder dans le rétroviseur par coups d’œil et Lydie sentit la chair de poule lui monter ainsi que des souvenirs de Londres qui flashèrent soudainement mais elle les chassa d'un battement de cils. Elle n'avait pas besoin de paniquer pour un rien. Le chauffeur ne la fixait pas. Mais Lydie ne pu retenir un soupir un soupir de soulagement quand elle reconnut son ancienne rue. Elle détacha sa ceinture en vitesse, prête à descendre le plus rapidement possible.

« Vous voilà arrivée. Vous avez besoin d'aide pour votre valise ? »

Alors que Lydie s'apprêtait à répondre à l'étrange conducteur quand elle entendit une porte claquer et avant même d'avoir le temps de réagir ou tourner la tête, la portière côté trottoir s'ouvrit à la volée. Sans même devoir l'entendre, Lydie glissa sur la banquette pour se rapprocher de la portière ouverte et la main tendue de son frère. Elle n'avait pas encore pu voir son visage mais la position de son corps et sa main tendue dégageaient une telle tension qu'elle ne broncha pas. Elle saisit sa main, qui se referma fermement sur la sienne pour la tirer hors du taxi, sans jeter le moindre regard au chauffeur.

« Je m'occupe de ta valise et de payer. Reste là. »

Son ton était si glacial que Lydie ne trouva pas de réponse, elle qui tenait toujours tête à son frère dans le passé. Il émanait une telle colère de son regard, de son corps entier tendu sous la pression qu'elle n'osa pas bouger. Il lâcha son ferme regard quelques secondes plus tard, puis sa main après une dernière pression avant d'aller ouvrir le coffre, sortir sa valise avant de se diriger du côté conducteur. L'échange fut bref. Lydie ne voyait pas le conducteur et l'antipathie de son frère, comme s'il était inquiet ne lui était pas familière. Et c'était l'animation dans le regard de Ben qui alarmait la jeune femme. Qui était ce chauffeur ? À peine Ben s'était penché vers ce dernier qu'aussitôt il se redressa avant de s'éloigner pour récupérer la valise et fermer le coffre, tout en gardant un œil sur le chauffeur de taxi. L'ensemble avait sûrement duré une seule minute et Lydie n'avait toujours pas bougé, son cerveau tentait de stocker toutes les informations pour tenter de comprendre. La jeune femme avait le regard braqué sur son frère, complètement abasourdie par son attitude. Ce fut seulement quand il fut de nouveau à sa hauteur, saisissant son coude de sa main libre pour l'entraîner avec lui vers la maison que son corps sembla reprendre conscience. Lydie n'opposa qu'une faible résistance à son contact, commençant à être retournée par la situation. Qu'était-il en train de se passer sous ses yeux qu'elle ne pouvait pas comprendre ?
Le taxi démarra en trombe quand ils atteignirent la porte mais pas à un seul moment, pendant leur avancée, Ben ne s'était retourné. Si Lydie ignorait la situation, elle comprenait néanmoins que quelque chose d'important, peut-être de capital s'était déroulé. La tension provenant de son frère ne se relâcha pas tant que la porte ne fut pas fermée. Aussitôt, il changea complètement d’attitude, laissant Lydie réellement perdue, encore sous le choc et perturbée de ce qui venait de se passer. Et Ben n'avait pas finit de la désarçonner.

« Tu as fait bon voyage ? »
— Que vient-il de se passer Ben ? Demanda-t-elle sans lui répondre.
— C'est juste quelqu'un de vraiment pas fréquentable. »

Prend-moi pour une idiote, pensa-t-elle.

— Tu m'as sérieusement foutu la peur de ma vie dehors, Ben. »

Mais au vu de sa réaction disproportionnelle, complètement irrationnelle, Lydie ne gobait pas son mensonge. Quelque chose de plus profond devait être responsable de sa réaction mais elle ne chercherait pas à creuser, Ben ne devrait même pas être ici. En quelques secondes elle vit s'effacer son expression inquiète pour retrouver son visage neutre, éclairé par un sourire mesquin.

« Navré que tu sois une âme si sensible, Lydie.
— Je vais monter ma valise, répondit-elle contrariée.

Et étrangement, elle ne fut pas surprise qu'il ne pense pas à l'aider et elle commença à croire qu'elle aurait pu imaginer ce qui venait d'arriver.

— Bienvenue à la maison ! »

Et elle venait seulement d'arriver.


Elle aurait aimé ne pas être atteinte par le comportement de son frère après tant d'années mais malheureusement Lydie était plus que sensible à ce qu'il faisait. Si Danny avait été la raison première de son éloignement, Ben était quand à lui, la raison pour laquelle elle n'avait pas voulu rentrer, et devoir l'affronter de nouveau. Elle restait complètement désemparée. Et elle regrettait brusquement et amèrement d'avoir accepté la demande de son frère.