Chapitre 01      



Bannière Burn Me Out blanche
Seuls les idiots croient la chance








Chapitre 01: Dans le Noir

gif décoratif en début de chapitre -goutte d'encre qui tombe et se répand dans un liquide blanc

« I gotta leave right away, counting cracks along the pavement. To see you face to face thinking about the conversation. » - Lawson




Le temps peut paraître si long. Pour elle, comme pour lui. L’attente, ces minutes qui s’envolent au fur et à mesure. L’attente, à tourner en rond dans le couloir. L’attente, de la voir se réveiller. Le temps nous joue tous des tours…

Le souffle régulier, le bip régulier des machines, le silence simple et apaisant. Mais ce fut de courte durée, endormie pour son opération, la jeune femme allongée revenait doucement à elle. Quelque chose la démangeait, quelque chose la dérangeait. Et d’un coup brutal, la réalité refit surface, laissant au loin les rêves passés. Vive, avant même d’avoir ouvert de nouveau les yeux, Lydie sentit une douleur lancinante au niveau de sa jambe. Mais d’où lui venait cette douleur ? La forêt. Elle se souvenait.
Prise d’une angoisse soudaine, Lydie rouvrit les yeux et fut aveuglée quelques secondes par la lumière. Elle tenta de se redresser vivement mais un bras lui coupa le passage et elle fut poussée contre le matelas. Une nouvelle douleur traversa son corps sous l'effet du coup. Aucun doute, elle se trouvait à l’hôpital, Danny l’y avait amené. Elle avait perdu connaissance dans la voiture, juste avant d’arriver à bout de force, trop de sang avait coulé.

« Reste en place, Lydie. Tu vas te faire mal, lui lança une voix, proche.

Danny. C'était sa voix, aucun doute, alors elle tourna sa tête vers lui. Son bras l’effleura à peine pour venir appuyer sur un bouton, à côté de sa hanche. Il allait retirer sa main quand Lydie la saisit au passage.

— J’ai simplement appelé une infirmière, ta jambe te lance je le lis sur ton visage, se justifia-t-il. »

Il tenta de se dégager mais elle garda sa main prisonnière pour tirer dessus. Un peu désorientée, la jeune femme scruta le regard de Danny pour y déceler un indice, quelque chose. Mais sa jambe commençait vraiment à lui broyer les os et son cerveau semblait sérieusement incapable de faire le lien pour le moment. Alors, Lydie se décida et lui posa directement la question.

« Je peux savoir ce que j’ai fait ? demanda-t-elle en retrouvant sa voix. »

Le brun souffla juste avant qu’une infirmière ne rentre, alors il dégagea sa main sans aucune résistance de la part de la jeune femme cette fois-ci. Avec un faible sourire, l’infirmière se contenta de regarder quelques machines, vérifier quelques tubes, changea les dosages avant de sortir aussi discrètement qu’elle était rentrée. Jeremy Brands était mort, Danny l’avait tué dans la forêt juste avant que lui ne puisse la tuer. Jeremy l’avait salement blessé…

« Je suis censée t’en vouloir, devina-t-elle.
— Tu m’en veux, répondit Danny en s’asseyant au bord du lit, à son extrémité pour être le plus loin possible.
— Non.
— Tu m'en veux. Tu vas devoir t'en convaincre. Regarde dans quel état tu es.
— Je sais, finit-elle en examinant son corps blessé sous la couverture. »

Lydie souleva donc la couverture pour regarder l’ampleur de ses blessures. L’infirmière avait réellement changé les dosages d’antalgiques car rapidement sa jambe s’engourdit, comme l’ensemble de ses muscles. Un long bandage s’étalait de sa cheville au haut de sa cuisse, lorsque la lame avait glissé le long de sa jambe. Des bleus, des hématomes un peu partout, des écorchures aussi. Elle entendit Danny grincer des dents.

« Ta jambe n’est pas cassée, et heureusement aucun ligament n’a été touché. Ce n’est pas passé loin selon le médecin.
— Je vais bien, Danny.
— Il aurait pu te tuer, Lydie. Est-ce que tu réalises un peu ?
— Si tu m’annonces maintenant que tu préfères partir loin pour mon bien et que tu me quittes, je te quitte avant Danny, soyons clairs, annonça la jeune femme froidement. »

Un simple avertissement du regard et Danny se releva pour s’approcher. Oh, il voulait jouer alors. Deux pas et il était à côté, il se pencha pour se trouver à moins de dix centimètres de sa bouche. Lydie sentit son échine se dresser, comme si une décharge d'adrénaline tentait de se glisser entre ses veines. Son souffle effleura sa peau et le bip du moniteur se fit plus pressant. Elle n’avait pas à le cacher, il lui faisait et l’effet et le jeune homme le savait très bien, il connaissait les réactions de son corps par cœur. Elle aurait pu lui mentir autant qu'elle le voulait, son corps parlerait pour elle.
Danny laissa sa main s’égarer sur les traits de sa petite amie quelques secondes avant de lentement descendre le long de son cou pour placer sa main à l’arrière de sa nuque. Il colla longuement leurs fronts entre eux, dans l’attente. Lydie apprécia le contact, simple et léger, mais bien là. Danny allait l’embrasser, il faisait toujours ce petit geste avant, simple rituel.

« Ton frère arrive, je devrais être déjà parti, souffla-t-il brutalement.

Et aussi doucement qu'il avait soufflé, Danny se redressa, coupa tout contact physique, ou bien même visuel avec la jeune femme et glissa au fond de la pièce. Comment avait-il pu savoir que son frère arrivait ?

— Mon frère ne…
— Crois-moi, il ne faut pas qu’il me trouve ici. La fenêtre est ouverte parce que tu avais chaud, Bébé Lydie, lança-t-il avec un pauvre sourire. »

Lydie pouvait comprendre chacun de ses sourires, celui-là n’indiquait que de la tristesse. Quand il ouvrit la fenêtre avant de s’y glisser, il lui jeta un dernier regard pour finir avec les paroles fatidiques, peut-être.

« Prend soin de toi. »

Il resta en équilibre sur la gouttière après avoir passé son autre jambe par-dessus la fenêtre, alors que Lydie resta silencieuse en l’observant. Elle détourna le regard quelques secondes pour se reprendre, son frère allait arriver. La jeune femme entendit un crissement avant de voir un bout de chaussure de Danny juste au-dessus du volet quand elle disparut soudain. Il avait escaladé l’encadrement pour se retrouver plus haut, au-dessus de la fenêtre en quelques secondes seulement. Lydie n’avait jamais vraiment eu l’occasion de voir l’étendue de ses prouesses et en moins d’une minute, elle en comprenait maintenant l’ampleur.

« Tu t’es bien amochée dis-donc.

Son frère s’était gardé de toquer avant d’entrer. Lydie le détailla quelques instants, se demandant pourquoi et comment il était arrivé si vite.

— Tu m’expliques ce que tu fais là ? lui demanda-t-elle en retenant une grimace quand il s’assit à ses côtés manquant de lui écraser la jambe droite.
— Maman est bloquée à son bureau et papa sur le terrain, mais ne t’en fais pas, je vais te veiller, déclara-t-il avec ironie. »

Si elle avait pu s’enfuir au loin pour rester loin de lui, elle aurait couru, malheureusement elle était coincée dans ce lit, avec des bandages un peu partout sur le corps et ses muscles, ses os, ses membres semblaient hors d’état pour l’instant. Elle ne pouvait pas s'échapper, cette fois. Alors Lydie soupira discrètement pour pester contre son frère. Leur relation était… Complexe. Quand ils étaient plus petits, tout allait pour le mieux mais dès l’entrée de Lydie au collège et celle de Ben au lycée, tout avait changé. Il avait commencé à l’ignorer pour tout, pour rien jusqu’à discuter simplement pour le nécessaire et il faisait toujours son maximum pour ne pas qu'ils soient vus ensembles. Et Lydie n’avait et ne comprenait toujours pas pourquoi il l’avait abandonné de la sorte, cependant elle avait laissé tomber au bout de deux ans, lassée.

« Tu n’étais pas obligée de te déplacer.
— Ordre des parents, répondit-il sans plus de détails. »

Que le temps allait être long. Son frère prit place sur le fauteuil à côté du lit, pour se mettre à l’aise. Soudain Lydie jeta un coup d’œil furtif se rappelant que Danny était toujours là-haut. Il fallait qu’elle trouve une diversion rapidement pour faire sortir Ben de sa chambre, vite et pour quelques minutes au moins. Elle ne voulait pas que Danny se blesse à son tour.

« Ben ? Finit-elle par demander. Tant que tu es là, tu pourrais me rendre un service, continua-t-elle quand il tourna la tête dans sa direction.
— Que puis-je pour toi ?
— Tu pourrais aller me chercher… De la compote de pomme à la cafétéria d’en bas ?
— Je doute d’en trouver là-bas.
— S’il-te-plaît, répéta-t-elle. »

Sans rien ajouter, il se releva sans même broncher et quitta sa chambre en emportant sa veste au passage. La cafétéria se trouvant dans le bâtiment en face, Danny aurait le temps de quitter sa chambre et non rester perché au-dessus de sa fenêtre, surtout avant que quelqu’un finisse par le remarquer. Une fois la porte refermée, elle entendit quelques bruits avant que Danny n’apparaisse, du moins ses chaussures en premier temps avant que le reste de son corps descende petit à petit sur la rambarde de la fenêtre. Lydie allait se redresser pour l’aider…

« Ne bouge pas de ton lit, Lydie. »

Cette dernière se laissa tomber de nouveau sur son lit, agacée. Elle n’était pas en sucre, certes elle venait de sérieusement se blesser mais elle était vivante, c'était le principal. Les pieds en équilibre Danny passa sa première jambe à cheval sur le bord de la fenêtre avant de rentrer complètement. Elle évita son regard, ne sachant ce qu’elle allait retrouver dedans. Ou plutôt ce qu'elle savait qu'elle allait retrouver, à cet instant. Elle sentit le bord du lit s’affaisser quand il s’assit à ses côtés.

« J’ai loupé quelque chose toute à l’heure, chuchota-t-il. »

Il n’avait pas eu le temps en effet, le frère de Lydie était arrivé entre temps. Doucement, comme pour tâter le terrain, il s’approcha pour combler l’espace entre eux deux. Le moniteur reparti en flèche quand Danny finit par coller de nouveau leurs deux fronts. Il allait l’embrasser, cette fois, il ne serait pas arrêté par quelqu’un. Finalement, Lydie osa le regarder dans les yeux. Comme elle le disait toujours, il y avait deux types de personnes sur Terre, ceux qui ont peur et ne bouge pas de leur lit et ceux qui ont peur et regarde en-dessous. La jeune femme avait toujours fait partie de la seconde catégorie.
Danny avait toujours eu un regard clair, si c'était le corps de Lydie qui s'exprimait, les yeux du jeune homme étaient très équivoques. Et malgré son cerveau qui fonctionnait au ralenti, Lydie percuta immédiatement. Leurs lèvres allaient se rencontrer quand Lydie réalisa que c’était peut-être, non ce serait la dernière fois qu’ils s’embrasseraient, il avait prévu de partir. Partir pour ne plus qu’elle soit en danger, c’était absurde. Elle recula vivement, le regard lointain.

« Je crois que c’est trop tard, Danny.
— Regarde-moi au moins.
— Tu veux que je t'en veuille pour quelque chose, Danny ? Maintenant, je peux.
— Je t'ai mise en danger, Lydie, j’en paye les conséquences maintenant, regarde toi bon sang ! dit-il en haussant la voix et en montrant son corps caché sous le drap fin. Il vau…
— Tu peux partir, tu sais. Plus rien ne te retient, trancha-t-elle en indiquant la porte d’une main mal assurée. »

Lydie ferma les yeux pour ne pas le voir partir, essayant de retenir au maximum tous les détails qu’elle pouvait : ses cheveux, la couleur de ses yeux, sa taille… Et elle laissa échapper une larme quand elle entendit la porte se fermer, tellement doucement qu’on aurait pu croire que personne n’était sorti. C'était sûrement la pire décision de toute son existence et pourtant, elle en avait fait des faux pas. Danny et Lydie, ça semblait si évidemment.
La jeune femme prit une profonde inspiration pour remettre ses idées en place et la douleur dans ses côtes refit surface. La douleur l'aida à reprendre le contrôle, elle devait reprendre le contrôle, son frère allait revenir. C'était pour son bien, au final.
Elle ressentait encore son souffle chaud sur ses lèvres… C’était terminé.


**


« Tu comptes retrouver l’utilisation de la parole bientôt ? Hasarda son frère après une heure de silence. »

Il était revenu avec la compote de pomme qu’elle lui avait demandée, compote qui n’avait été qu’une diversion pour laisser le temps à Danny de ressortir. Elle avait encore l’image très claire dans son esprit de Danny qui descendait dans sa chambre, par la fenêtre. Elle avait à peine murmuré un merci à Ben pour la compote, avant de la manger lentement, pour donner le change, mais Lydie n’avait pas faim, elle pensait plutôt qu’elle vivait un mauvais rêve depuis le matin même et qu’elle allait se réveiller très vite, il le fallait. Elle avait largué Danny de son plein gré, avant qu’il puisse le faire pour « assurer sa sécurité », alors elle n'avait pas le droit d'aller mal, du moins plus qu'elle l'était à cet instant. Lydie jeta un coup d’œil à son frère pour ne plus penser à ça et elle vit qu’il la regardait fixement, attendant une réponse. Il arqua un sourcil.

« Qu’est-ce qui ne va pas, Lydie ?

Touché. Pour une fois, sa voix n’était pas désagréable, comme quand il s’adressait à elle. Non, son ton était doux, presque un murmure, il voulait vraiment savoir ce qui pouvait bien arriver à sa sœur pour qu’elle refuse de parler, même avec lui. A l’habitude, elle l’envoyait bouler, quand il commençait à devenir vraiment désagréable. Mais depuis qu’il était revenu, elle s’était contentée de regarder la fenêtre, le regard perdu dans le vide.

— Si tu pouvais me foutre la paix, Ben.
— Ravi de constater que tu sais toujours parler, même si c’est pour dire de si gentilles choses. »

Elle leva les yeux au ciel, exaspérée par son comportement changeant. Il pouvait se montrer doux comme un agneau et la seconde d’après agressif comme un tigre, elle le détestait dans ce genre de situation. Lydie se rassura en pensant que d’ici demain, elle serait sûrement sortie. Sortie pour retourner dehors, tenter d’oublier, peine perdue mais pourquoi ne pas essayer ?