Ces derniers temps, le cinéma, tant étatsunien que français, n’est pas avare de films reprenant les canons de la propagande des grandes puissances. Petit tour d’horizon :
Dans les années soixante-dix, nous avions été habitués à des films dénonçant les magouilles et crimes de la CIA, dont le plus emblématique fut « Les trois jours du condor ». Nombre de films hostiles à la guerre du Vietnam suivirent, comme « Apocalypse now », « Full metal jacket » ou « Good morning Vietnam ». Mémorable navet, « les Bérets verts », où John Wayne cassait du Viet comme il avait toute sa vie cassé de l’Indien, faisait figure d’exception. Notons aussi quelques films plus récents contre la guerre d’Irak, comme « Route irish » de Ken Loach ou « les Rois du désert » de David Russell. Pourtant, depuis une bonne décennie, on assiste à une sorte de réarmement idéologique du cinéma de propagande impérialiste, non seulement hollywoodien, mais aussi britannique et français.
Parmi les fleurons les plus caricaturaux de cette propagande figurent « Taken » et sa suite « Taken 2 », blockbuster qui a connu, hélas, un assez gros succès. Grossièrement racistes, ces films font l’apologie de la torture et de la peine de mort : le héros, ancien de la CIA, fait « griller » un horrible méchant sur une chaise électrique improvisée après l’avoir torturé. Le thème est limpide : d’affreux Albanais enlèvent des jeunes filles occidentales pour les livrer aux appétits de potentats arabes. Dans « Taken 2 », on notera une vision fantasmatique de la Turquie : toutes les femmes d’Istanbul sont voilées. On peut aussi citer « le Royaume » dans lequel une équipe du FBI est chargée d’enquêter à Riyad, Arabie saoudite, sur un attentat terroriste. Puant de racisme paternaliste, d’islamophobie et d’arrogance impérialiste. Avec l’aide d’un « bon musulman », équivalent des bons Indiens des westerns des années cinquante, nos héros vont éliminer la cellule terroriste en quelques jours, alors que les flics et militaires locaux ont été incapables de trouver le moindre indice.
L’un des plus récents est « Argo » qui s’est vu décerner l’Oscar du meilleur film 2013. Plus subtil que les précédents, ce film a l’habileté de montrer en ouverture le rôle des États-Unis qui, en soutenant la dictature du Shah d’Iran, ont soulevé la colère populaire. Mais c’est pour mieux sombrer ensuite dans la pure propagande au profit de la CIA. Sur le plan historique, personne ne peut savoir ce qu’il y a de vrai dans cette histoire de sauvetage de diplomates américains réfugiés à l’ambassade canadienne, vu que cette opération a toujours été classée top secret. Mais les propagandistes cherchent sans doute à faire oublier la catastrophe de l’opération Eagle Claw, dont l’objectif était de délivrer les otages de l’ambassade américaine. Plusieurs hélicoptères et un gros porteur C 130 se crashèrent dans le désert, huit soldats furent tués et des documents abandonnés. Le cinéma hollywoodien est toujours aussi doué pour réécrire l’histoire. Nous pouvons sans problème décerné à « Argos », l’oscar de la propagande.
On pourrait ainsi énumérer une dizaine de films du même genre. Le cinéma français n’est pas en reste. « L’Infiltré », probablement subventionné par la DGSE, vante les talents d’un sympathique agent français qui parvient à retourner un jeune djihadiste. Notons aussi « Forces spéciales », où un commando tricolore va délivrer une journaliste détenue par les Talibans. Antimilitariste et pacifiste au début, celle-ci va tomber amoureuse de son sauveteur et comprendre qu’elle a tout faux. On peut supposer que le scénario a été supervisé par le service de propagande des armées…
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