Des méthodes de lutte contre le harcèlement scolaire qui marchent à l'étranger

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En Suède, au Canada, en Australie : se focaliser sur les harceleurs


Les pays scandinaves sont depuis longtemps sensibilisés à la question du harcèlement scolaire. Le premier à l'avoir identifié et théorisé – sous le nom de school bullying – dans les années 1970 est le psychologue norvégien Dan Olweus. A la même période, Anatol Pikas, un professeur en psychologie de l'éducation qui a fait l'essentiel de sa carrière en Suède, développe la "méthode des intérêts communs". Des idées et des techniques qui ont depuis conquis d'autres pays, comme le Canada et l'Australie.

La démarche mise au point par Anatol Pikas concerne surtout les harceleurs. "Il s'agit de les rendre acteurs du retour au bien-être de la victime", explique à francetv info Jean-Pierre Bellon, professeur de philosophie au lycée Descartes de Cournon-d'Auvergne (Puy-de-Dôme), un établissement en pointe dans la lutte contre le harcèlement scolaire.

Cet enseignant, président de l'Association pour la prévention de phénomènes de harcèlement entre élèves (APHEE), indique que cette technique préconise une série de rencontres entre les adultes de l'établissement et les harceleurs, pris individuellement. Objectifs de ces entretiens, détaillés dans son ouvrage Prévenir le harcèlement à l'école : revenir sur les faits, les reconnaître, lancer des actions pour remédier à la situation, et faire en sorte que la victime n'en soit plus une. Surtout, "on ne culpabilise pas les harceleurs et il n'y a pas de sanction, insiste Jean-Pierre Bellon. On ne cherche pas à ce qu'ils deviennent amis, mais à instaurer un climat de paix pour qu'ils puissent se côtoyer sans histoires."

"Cela prend du temps, et cela dépend du type de harcèlement", reconnaît l'enseignant, qui pratique cette méthode au sein de son établissement. Mais les résultats sont là : plus de 70% des cas de harcèlement sont résolus grâce à cette technique, fait-il valoir.

En Espagne : développer l'empathie et l'affirmation de soi


De l'autre côté des Pyrénées, la lutte contre le harcèlement scolaire est un chantier important. Par exemple, le ministère de l'Education a rédigé un guide et une politique de la "convivance", "un terme emprunté à l'espagnol convivencia désignant la 'capacité à vivre ensemble dans une bonne entente'", rappelle le Huffington Post.

Différentes techniques sont employées. En plus de recourir à la méthode des intérêts communs, certains établissements cherchent à développer chez les élèves deux qualités : l’assertivité, autrement dit la capacité à exprimer et à défendre ses droits, et l'empathie, la faculté de se mettre à la place d'autrui.

D'après Jean-Pierre Bellon, c'est une méthode efficace. Mais cette technique, notamment explorée dans la région de Séville, nécessite de vrais psychologues scolaires, et pas seulement du personnel éducatif.

En Finlande : sensibiliser ceux qui assistent au harcèlement


Le pays a conscience du problème depuis les années 1970, mais commence à prendre les choses au sérieux après deux fusillades, en 2007 et 2008. Ces tueries ont été perpétrées par des jeunes victimes de harcèlement, rapportent à l'époque l'édition suisse de 20 Minutes et RFI. Le gouvernement lance alors, dès 2009, le programme KiVa, aussitôt adopté par les trois quarts des établissements du pays.

Ce dispositif se concentre sur les élèves témoins d'actes de harcèlement et les invite à briser le silence. En effet, la situation de harcèlement est triangulaire : elle mêle le ou les harceleurs, la victime et les camarades, qui assistent passivement aux brimades, voire en rigolent.

"Parler ? Se taire ? Dénoncer ? J'incite mes élèves à réfléchir à ces questions, pour qu'ils comprennent que le harcèlement, ce n'est jamais un contre un, une seule victime face à un seul agresseur, mais un contre tous, expliquait, en 2012, une professeure d'une école de la banlieue d'Helsinki, la capitale finlandaise, au Monde (article abonnés). Et d'ajouter : "Il faut les amener à saisir que ceux d'entre eux qui savent qu'un camarade est harcelé, mais qui gardent le silence, ont leur part de responsabilité."

Concrètement, tous les deux ans, vingt heures de cours sont consacrées à la sensibilisation des élèves. "Ce sont des formations remarquables, qui obtiennent des taux de résolution de 85%. Dès 8 ans, quand tout se joue, les élèves apprennent à reconnaître les émotions des autres – peur, colère, tristesse… – et à identifier les conséquences de leurs actes sur autrui. Car souvent, le gamin qui se livre à des brimades sur un camarade n’a même pas conscience de ce qu’il fait", expliquait, en 2013, Bertrand Gardette, coprésident de l'APHEE, au magazine Marianne.

Au Royaume-Uni et au Canada : prévenir le harcèlement et sanctionner les harceleurs


Une loi britannique contraint les établissements scolaires à mettre en place des mesures de prévention et des sanctions contre le harcèlement depuis 1998. De nombreuses écoles emploient même un professeur dédié à cette question. Et, depuis 2004, une semaine contre le harcèlement scolaire est organisée tous les ans pour sensibiliser élèves, professeurs et parents. Le Canada, lui, a adopté un texte similaire, en 2012. "Les termes 'violence', 'intimidation' et 'cyberintimidation' ont été définis, une première. Par exemple, l'intimidation correspond, dans la loi, à tout acte répétitif visant à léser une personne, à l'opprimer, à l'offenser", relevait le quotidien québécois La Presse.

Au Royaume-Uni, "le harcèlement a été diminué par deux depuis qu’il y a eu des politiques publiques très volontaristes", commentait en 2011 Eric Debarbieux, spécialiste de la violence scolaire, au site spécialisé dans l'éducation Vousnousils. Au Canada comme au Royaume-Uni, les sanctions sont graduelles et peuvent aller jusqu'à l'exclusion.

Problème : la définition du harcèlement peut varier d'un établissement à l'autre. "C'est une limite de la loi, selon Jean-Pierre Bellon. Pas besoin de savoir si c'est du harcèlement ou non. Dès qu'il y a un problème, il faut intervenir rapidement car une situation qui n'est pas encore extrême peut glisser et devenir du harcèlement."


Source franceinfo


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