C’est
la représentation théâtrale d’une pièce du dramaturge vénitien Carlo
Gozzi (1720-1806) qui attire l’attention de Puccini sur la terrifiante
et captivante légende de la cruelle princesse « Turandotte ».
L’écrivain Renato Simoni, grand connaisseur de Gozzi, est le premier à
lui suggérer d’adapter cette troublante histoire qui avait déjà inspiré
plusieurs ouvrages dont le plus important est l’opéra de Ferrucio
Busoni (1917). Fasciné à son tour par le romantisme barbare d’une fable
vouée aux mystères de l’amour et de la mort, Puccini y voit sans doute
la possibilité de renouveler son inspiration loin des « tranches
de vie » qui ont fait le succès populaire du « vérisme ».
La
légende de la Princesse cruelle avait largement été diffusée par cette Turandotte (1762)
de Gozzi. Ce rival de Carlo Goldoni (1707-1793) privilégiait les sujets
fantastiques dans lesquels il introduisait les traditions de la
commedia dell’arte. On lui doit aussi Les
Fées (1888)
de Wagner et L’Amour
des trois oranges (1921)
de Prokofiev. Quatrième des Fables
théâtrales de
Gozzi,
Turandotte mélangeait
plusieurs sources littéraires remontant aux fameux Contes
des Mille et Une Nuits.
Toutefois Gozzi s’inspirait plus précisément d’un conte français de
François Pétis de la Croix, Histoire
du Prince Calaf et de la Princesse de Chine (1710)
où se trouvent déjà l’essentiel de l’intrigue et le personnage d’une
esclave de « Tourandocte », Adelmuc qui se suicide par amour
pour Calaf.
Fière de sa grande beauté et de son savoir exceptionnel, la Princesse
Turandotte refuse de se marier. Elle a obtenu de son père, l’Empereur
de Chine, un décret stipulant qu’elle n’épousera qu’un prince capable
de résoudre les trois énigmes qu’elle lui soumettra. En cas d’échec, le
prétendant aura la tête tranchée. Sans s’effrayer de la mort de
nombreux jeunes gens venus concourir avant lui, Le Prince Calaf
parvient à répondre aux trois énigmes. Il accepte néanmoins de remettre
sa vie en jeu et de renoncer à faire valoir ses droits au mariage si
Turandotte découvre son nom resté jusqu’ici inconnu. La Princesse finit
par trouver son nom, mais loin de réclamer la tête de Calaf, elle se
jette dans ses bras en lui avouant son amour.
Cent cinquante plus tard, Puccini s’empare de la légende de la
Princesse cruelle pour lui donner, au-delà de son aspect symbolique,
une dimension humaine universelle : il prête une véritable
épaisseur psychologique au personnage de Turandot, dont il cherche à
expliquer les motivations, et il met en scène le sacrifice de la petite
esclave, Liu. Avec Puccini, Turandot marquera
la victoire de l’Amour sur une barbarie d’un autre âge. Même si
l’intrigue se situe « à Pékin, dans les temps légendaires »
Puccini la conçoit en « homme moderne ». Le 18 mars 1920,
alors qu’il vient d’arrêter son choix sur ce qui lui apparaît comme le
« grand sujet » qu’il recherche pour composer le « grand
opéra » qui pourrait être son Aïda à
lui, il écrit à Renato Simoni qu’il souhaite : « une
Turandot à travers le cerveau moderne, le tien, celui d’Adami et le
mien ». Quelques semaines plus tard,
envisageant déjà une transformation en profondeur de la signification
du récit légendaire, il écrit à Adami : « Notre
Princesse (…) sera heureuse de nous y voir pour lui disséquer
l’âme .
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